Leçons estivales

Publié le 13 Septembre 2018

Leçons estivales

L’année dernière, j’ai appris que je ne pouvais distancer mes problèmes. Pas plus que je ne pouvais les poser quelque part et partir sans eux. J’ai eu la chance de faire de longs voyages, dont j’ai finalement peu profité, et quand je l’ai fait je ne pouvais me dépêtrer d’un goût amer dans la gorge. J’ai déménagé deux fois mais le débarquement dans ces lieux encore vierges d’habitudes de vie, de routines, n’a foncièrement rien changé. Je croyais faire la révolution en moi, et j’ai fait une révolution, au sens astronomique du terme : j’ai fait un tour complet sur moi-même. Je suis revenue au point de départ. Voire pire, parfois.

Cet été, j’ai décroché un job d’été très éprouvant, durant lequel je devais m’occuper de personnes dépendantes, pour lesquelles je devais prendre des décisions qu’elles n’étaient pas en mesure de prendre elles-mêmes. Les circonstances étaient très particulières, avec beaucoup de fatigue accumulée et les seules ressources sur lesquelles je pouvais compter, étaient celles qui étaient en moi et en ma collègue. J’en ai tiré deux leçons :

  • Je surréfléchis trop. Tout le temps. Au point de me paralyser, l’angoisse au creux du ventre, des nœuds dans la nuque, l’impression que la fin du monde va déferler tel un tsunami – et que je suis la seule à le voir. Cet été, j’ai été entourée de personnes qui surréfléchissaient trop. Ces personnes, incapables de se débrouiller seules, étaient très anxieuses et il était de mon devoir de les rassurer. Et à force de les rassurer, de feindre la quiétude, d’incarner pour eux la stabilité, j’ai dû embrayer mes propres pensées cavaleuses. L’épuisement y a beaucoup contribué, le calme de ma collègue a été mon fanion – et au final, j’étais l’angoissée de notre duo – mais je suis sortie de là avec une paix relative.
  • Je suis capable d’être beaucoup plus zen : les problèmes ont l’importance qu’on leur donne. L’espèce de paix intérieure que j’ai ressentie à la fin du boulot était due au tropplein de stress ressenti pendant deux mois, mes soucis personnels (réinscription à la fac, recherche de stage pour ne citer qu’eux) ne me paraissaient pas si atroces comparé aux soucis que j’ai pu rencontrer en m’occupant de ces personnes dépendantes.

Les TCA ne m’ont pas fichus la paix pendant ces deux mois, ne vous faites pas d’illusion. J’étais en constante hyperphagie et parfois je suis allée manger un paquet de gâteaux dans les toilettes. J’ai essayé de les repousser, pour avoir l’esprit libre pour le boulot, pour pleinement profiter des très très rares moments de repos que je pouvais racler, et la maladie les a sacrifiés sur l’autel de la nourriture. Peut-être de peur que mes pensées démarrent en trombe, justement. Peut-être pour retrouver les limites que les personnes dont je m’occupais me volaient sans s’en rendre compte. Peut-être pour activer un système de récompenses dans ce corps épuisé et à fleur de peau.

Ce travail a été très positif, toutefois. Il est hors de question que je le réduise à une prise de poids incontrôlable et à une alimentation chaotique. Je veux m’en souvenir comme d’un endroit où j’ai fait de formidables rencontres, vécu de terribles frayeurs mais aussi de francs éclats de rire, où j’ai repoussé mes limites et su prendre sur moi.

Et c’est ainsi que je m’en souviendrai.

Rédigé par Tac

Publié dans #boulimie

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