Il y a quelques jours, c’était mon anniversaire. Je n’ai jamais reçu d’aussi beaux cadeaux. Et tout ce que je peux en retenir, c’est à quel point je ne les mérite pas. Une amie – que ma mère a invitée, parce que je fais tellement pitié que c’est ma mère qui invite mes amis à venir – m’a dit « remets-toi vite ». Et moi qui hallucinait que quelqu’un ait encore envie de venir me voir, et qui se demandait quelle personne les gens voyaient pour qu’ils pensent que je mérite de tels cadeaux, ce moi a aussitôt senti la vive lame à l’intérieur déchirer à la verticale mes entrailles jusqu’à ma gorge, la lame sur laquelle est écrit en lettres de sang que je les décevrais tous. Parce que je ne suis pas sûre de guérir. Et si jamais j’y parviens, ce ne sera pas rapidement. Je me suis demandé dans combien de temps elle me tournerait le dos. Dans combien de temps elle me délaissera lentement, insensiblement, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour faire demi-tour et retraverser cette étendue glaciale qui nous séparera comme elle me sépare des autres.

Je m’émerveille de constater comme le monde peut continuer de tourner tandis que certains meurent dans le secret d’eux-mêmes. Ces morts anonymes qu’on ne soupçonne pas. Qui croirait qu’en me parlant, ils parlent à un cadavre ambulant ? Je fais tout pour me faire souffrir encore plus, pour m’amener au point de me détester encore plus. Je suis une sportive de l’auto-détestation, toujours en train de repousser mes limites. Je ne fais rien, paniquant à l’idée de faire certaines choses, trop déprimée pour faire les autres. Les deadlines rôdent, me frôlent de plus en plus, renforçant ce cercle vicieux qui ne se lasse pas de m’étouffer. Je ne parviens plus à donner le change. Pourtant, j’ai l’impression que la seule qui s’inquiète vraiment… c’est moi. Ma mère m’envoie chez une thérapeute, et hop, tant que j’y vais, elle s’en lave les mains. Mon père se pose des questions après vingt ans d’aveuglement – mais pour lui, c’est aussi grave qu’un rhume. Et j’écris cela sur mes parents, et je sais que je suis injuste, c’est plus compliqué que cela, mais n’empêche, n’est-ce pas une part de vérité ? Je ne sais plus à quel saint me vouer, plus rien ne fonctionne, mon corps même me lâche.

Et si tout le monde a ses moments d’inquiétude pour moi dans l’espoir que je me confie à lui, ce monde continue à me parler comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.