Injonctions

Publié le 28 Juillet 2017

Injonctions

Aujourd’hui, quelqu’un m’a dit que je devais plus sourire. Cette personne m’a fait tout un speech de dix minutes sur le fait que les gens qui ne me connaissent pas ne peuvent me juger que d’après ce qu’ils voient, ce pourquoi je devais sourire parce que c’est ce qu’ils prendraient de moi – mon sourire. Je devais avoir l’air sympa et gentille, parce que sinon les gens penseraient que je serais un genre de personne triste et déprimante et me laisseraient dans mon coin.

Fait intéressant : cette personne parlait de parler aux gens, d’apprendre à les connaître, et ne me laissait pas en placer une. Mais bon, ce n’est pas ce que je veux souligner.

Cette personne m’a donc expliqué de A à Z comment je devais me comporter et pourquoi. Et tout ce à quoi je pouvais penser, était que cette personne ne me connaissait pas, que son discours, peut-être, était juste s’il s’adressait à une personne saine (et encore, je n’en suis même pas sûre, ce serait négliger les caractères de chacun et les vécus et c’est injuste de demander à quelqu’un de sourire tout le temps. Et si tes parents ont eu un accident il y a une heure et qu’ils sont encore dans le bloc opératoire, hein ? Exemple extrême, mais vous avez l’idée). Tout ce à quoi je pouvais penser, et je devais me pincer pour ne pas hurler ou partir en courant, c’était « et si je suis malade ? ».

Et si je suis malade ?

Qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour voir sa tête ! Bon, d’après de ce que je connais de cette personne, elle m’aurait répondu que même en étant malade on doit prétendre d’aller bien, manifestement pour le bien de toutes les personnes que je croise – plus je l’écris et plus je trouve ça ridicule, si tout le monde souriait tout le temps, le sourire n’aurait sans doute plus aucune valeur, on se trouverait tous hypocrites… - et cette réponse m’aurait encore plus énervée car cela aurait traduit un total déni, une totale incompréhension, et un total refus de vouloir comprendre, de ce qu’est la maladie et de vivre avec elle.

Je dis maladie, mais je pense en fait à la dépression, qu’elle soit liée à un TCA (ou autre chose) ou non.

J’ai essayé de me défendre un peu, bien que mes moyens étaient limités parce que cette personne n’est clairement pas une personne à qui j’ai envie de parler de mes problèmes. J’ai donc voulu raconter ce souvenir : lorsque j’étais en seconde, une fois, je lisais à côté de mes amis. L’un m’a interpellé et j’avais la flemme de relever la tête donc j’ai juste relevé les yeux. Et de part ma position, cela a fait que mes amis ont eu peur, ça faisait comme si que je leur faisais un regard noir, assassin même. Alors que pas du tout ! C’est juste, qu’apparemment, mon visage ne suit pas forcément mes émotions intérieures (même si j’ai l’impression de bouger énormément mes muscles faciaux, apparemment ça ne fait pas grand-chose).

Et la personne qui me faisait tous ces reproches a dit « oui », mais non pas parce qu’elle avait compris ce que je lui racontais, mais parce que pour elle, mon anecdote renforçait son point de vue, c’est-à-dire que j’ai une tête fermée. Effrayée, même, a-t-elle dit. C’était assez ironique, d’ailleurs, car elle me reprochait de repousser les gens, l’air de demander que je lui ouvre mon cœur et mon esprit, alors que plus j’apprends à la connaitre, et moins j’ai envie de le faire !

 

En résumé : dans certaines conversations, c’est triste de ne pouvoir argumenter son point de vue parce que cela trahirait sa propre vie privée, ou susciterait trop de questions, le genre de questions qui sont difficiles de laisser sans réponse, car l’inquiétude qu’elles impliquent ne disparait pas une fois que ces questions ont été posées, qu’elles aient eu une réponse ou non. Et parler avec une personne qui est convaincue d’avoir raison, prétend écouter alors que vous parlez à un mur, c’est l’une des impasses les plus horribles à vivre.

Enfin : souriez, mais si vous en avez envie. Si la musique que vous écoutez à cet instant précis vous fait sourire, même pour une fraction de seconde, même si vous êtes seuls en pleine rue avec vos écouteurs, souriez ! Si c’est une pensée qui vous passe par la tête, souriez ! Mais si vous n’en avez pas envie, ne le faites pas. Certes, sourire est facile, mais si c’est insincère, je pense, personnellement, qu’il ne faut pas le forcer. Un faux sourire vaut-il mieux qu’une authentique expression de tristesse ? Pour ceux qui n’ont pas envie de gérer la tristesse de quelqu’un, sans doute que oui, mais c’est trop facile de choisir d’ignorer la tristesse –ou n’importe quel autre sentiment « négatif »-, trop facile et méchant même. Sachez détecter les personnes qui n’ont pas envie de sourire. Et ne les jugez pas d’après leur non-envie de sourire.

Injonctions

Rédigé par Tac

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L
Je suis totalement d'accord avec toi! C'est si exaspérant, et même triste de se sentir obligé de sourire en toutes circonstances. Peut-être que les gens autour de nous, pourraient nous apprécier plus, si on souriait tout le temps. Mais ce ne serait pas nous qu'il apprécierait, mais une image, pas une réalité. Alors quel en serait l'intérêt ?
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T
Je ne pense pas que les gens autour de nous nous apprécieraient plus. En tout cas, pas ceux qui se soucient vraiment de nous. Mais nous sommes d'accord, l'intérêt du sourire réside dans sa sincérité ! :)